Résumés des interventions des Premières Journées Doctorantes du SAP : Les enjeux des notions de Centre(s) et de Périphérie(s) en socio-anthropologie des arts plastiques.
Monia Abdallah
Doctorante au sein du Centre d’Histoire et de Théorie des Arts (CEHTA) Formation doctorale « Histoire et Civilisations », EHESS Paris.
L’« art contemporain islamique » et l’internationalisation des circuits artistiques. De la formalisation d’un discours à la formation d’une catégorie
Qu’est-ce que l’« art contemporain islamique » ?
Dans le cadre de cette présentation, il ne s’agira pas de répondre à cette question car l’interrogation qui semble aujourd’hui plus fondamentale est celle qui renvoie à la genèse même de cette catégorisation spécifique dans un contexte où prolifèrent les discours sur le métissage et la mondialisation. En effet, cette classification en une sorte d’« isolat culturel », semble contradictoire dans ce contexte de société globale de communication où les notions de centre et de périphérie deviendraient ainsi obsolètes.
Les questions qui se posent alors sont les suivantes : est-ce que la production artistique pointée par cette classification culturelle, ‘art contemporain islamique’, présente réellement un caractère spécifique ? Les œuvres qu’elle englobe peuvent elles soutenir une telle dénomination distincte du reste de la production artistique ? Ou devons-nous chercher sa justification au sein même du discours théorique et idéologique sur la mondialisation?
Un discours dans lequel persiste la distinction entre centre (s) et périphérie (s) dans la mesure où le vocabulaire employé se trouve fondé sur les dichotomies nord/sud ; centre/périphérie ; occident/non-occident ; pays développés/pays du tiers-monde ; et donc « art contemporain »/« art contemporain islamique ».
Dans cette mondialisation, toute opposition ne fait donc qu’accroître et amplifier la rupture implicite que crée et accepte l’utilisation même de cette distinction entre « centre » et « périphérie ».
Cristina Castellano
Doctorante en Esthétique et Sciences de l’Art à l’Université de Paris I Panthéon/Sorbonne sous la direction de Bernard Darras
Les arts plastiques américains à l’épreuve de leur frontière sud
Les réseaux de pouvoir économique contemporains se focalisent dans certains centres financiers, marginalisant ainsi les économies périphériques. Dans le domaine de la représentation visuelle, les pôles de la création se déplacent. Le centre et la périphérie se diluent de plus en plus.
La déconcentration de la pratique plastique constate que les noyaux culturels ne restent plus focalisés aux capitales culturelles du « centre ». Même si aujourd’hui quelques galeries de New York gardent le monopole du marché de l’art, la situation peut concerner les collectionneurs et ses vendeurs, les magazines de vulgarisation artistique et quelques personnages hypnotisés par la définition de l’art comme celui qui se vend au meilleur prix. Cependant, notre définition de l’art discerne ici de l’intérêt du marché. On est intéressés par la recherche des phénomènes artistiques qui garderont une place dans l’histoire du changement de notre façon de voir et concevoir le monde, les cultures et les autres. Les événements ou productions artistiques destinés à êtres accumulés dans les cages privées des quelques élites de la mondialisation ne sont pas prise en compte dans notre étude.
Malgré les efforts des artistes pour traduire le monde, tel qu’il est aujourd’hui, notre époque reste aveugle face aux changements de comportement visuel qui s’exprimeront à l’avenir. Notre hypothèse est que si l’art a toujours anticipé les critères de valorisation de son époque, l’art américain possède dans la création des « artistes ethniques », un miroir témoignant des sociétés hybrides contemporaines.
Lucrezia Cippitelli
Doctorante en histoire de l’art contemporain, Département de Histoire de l’Art, Faculté de Sciences Humaines, Université « La Sapienza », Rome.
« Nous » et « eux » dans l’art contemporain. L’exemple de l’ « arte de conducta » à Cuba
La lecture se propose de réfléchir sur la question de l’entrée des expériences artistiques de pays dits “non occidentaux” (qui notamment peuvent être reconnu comme l’ensemble des réalités post-coloniales) dans le contexte du système de l’art contemporain.
La question est le thème central de ma recherche de doctorat en art contemporain, qui pose comme but de réfléchir sur le rapport que le monde occidental entretient avec les artistes et les pratiques artistiques contemporaines extérieurs et sur la possibilité que cet ailleurs puisse être reconnu et compris pour sa valeur réelle propre.
Ce difficile rapport, qui s’est exemplifié ces dernières années avec la participation massive d’artistes provenant du tiers- monde dans les kermesses artistiques internationales, s’est parallèlement montré central dans le même tiers-monde, vu la continuelle création d’industries culturelles dédiées exclusivement aux pratiques artistiques locales avec une perspective d’affirmation politique dans le contexte global. L’exemple de l’art de comportement, dit aussi performance à Cuba, est un exemple de cette controverse.
Des artistes comme Ana Mendieta et Tania Bruguera sont reconnues internationalement comme performers, artistes politiques, artistes qui jouent, avec le langage de la performance, sur le thème de l’identité féminine, en utilisant l’espace réel.
À bien voir, ces pratiques, politiques sans doute, sont liées a une histoire locale, aux rites qui mixent religion chrétienne et de provenance africaine, et déterminent une signification complètement différente de celle que la tradition occidentale actionniste performative reconnaît.
Laura Delavaud
Doctorante au Centre de Sociologie Européenne, EHESS – doctorante associée au Centre nantais de sociologie, sous la direction de Gérard Mauger.
Tentative de création d’un nouveau « centre » : la lutte politique et artistique d’imposition d’une nouvelle référence
En partant du constat que la diffusion de l’art contemporain à Nantes relève principalement des collectivités territoriales et de l’Etat, ma thèse («l’art contemporain à Nantes, les enjeux politiques et artistiques de l’art contemporain dans une métropole de province) s’intéresse aux rapports pouvant exister entre le champ politique et le champ artistique.
La sphère politique a été marquée ces dernières années par un processus de décentralisation, ce transfert de compétences de l’Etat aux collectivités territoriales permet aujourd’hui de penser la Ville, la Région comme des entités de plus en plus autonomes et par là même en concurrence entre elles pour s’imposer, non seulement en France mais également à l’échelle européenne voire mondiale. Cette logique d’internationalisation se retrouve dans le champ de l’art contemporain comme le montre Alain Quemin, qui précise que la définition même de l’art contemporain « sous-entend généralement l’insertion dans des réseaux internationaux, la reconnaissance à l’échelle internationale » (Alain Quemin, L’art contemporain international : entre les institutions et le marché (le rapport disparu), Jacqueline Chambon/Artprice, Nîmes, 2002, p.18.) et ce, d’autant plus en France, par sa position dominée dans le monde de l’art contemporain.
Dans cette course commune à la reconnaissance internationale, on assiste à une entraide bien comprise entre ces deux espaces qui tentent de gommer leur caractère périphérique pour s’inscrire plus pleinement comme des espaces qui comptent. La ville ainsi que ses principaux acteurs de l’art contemporain oeuvrent ensemble pour s’imposer comme une référence, un nouveau centre incontournable.
Ana Letícia Fialho
Doctorante au CRAL-EHESS, sous la direction de Jacques Leenhardt
L’internationalisation de l’art contemporain au Brésil : quelques éléments pour une analyse sociologique
C’est dans une perspective empirique, en rapport avec la tradition de la recherche en sociologie de l’art, que nous nous sommes intéressées, depuis quelques années, à étudier l’internationalisation de l’art contemporain Brésilien.
Les années 1990 sont marquées par une ouverture croissante et une diversification du monde de l’art contemporain international, dont les frontières géopolitiques et esthétiques sont mises en question. Ce mouvement d’ouverture – qui n’engage pas forcément un changement de l’hiérarchie des valeurs artistiques ni des instances de légitimation, a affecté désormais la circulation internationale des artistes Brésiliens et le fonctionnement du monde de l’art au Brésil.
Prenant comme arrière-plan le processus de mondialisation en cours et ses conséquences au plan réel et imaginaire, nous allons essayer de voir, dans ce travail, à quel point et sous quelles conditions, il y a une plus grande ouverture, de la part du monde international de l’art contemporain, à la production artistique brésilienne. Nous allons également regarder comment le monde de l’art contemporain au Brésil est en train de s’internationaliser.
Notre point de départ sera la discussion des outils théoriques pour le traitement du sujet. Ensuite nous allons présenter une brève analyse de la trajectoire de six artistes contemporains, appartenant à différentes générations, et les enjeux de leur insertion dans le circuit international (institutionnel et marchand). Pour finir, nous allons nous intéresser à la configuration actuelle du monde de l’art au Brésil, en soulignant les stratégies d’internationalisation mises en œuvre par certaines instances institutionnelles et marchandes.
Notre objectif est la compréhension du processus d’internationalisation du monde de l’art Brésilien, paradoxalement très tourné vers l’internationalisation et encore très nationaliste et l’articulation de celui-ci avec le monde de l’art contemporain international.
Paolo Israel
Doctorant au Centre d’Etude Africaine, EHESS, sous la direction de Jean-Loup Amselle
Du contemporain sans le savoir? De l’ironie et du recyclage dans l’art performatif Makondé
Je travaille depuis plusieurs années sur des danses masquées rurales du peuple Makonde du Nord du Mozambique. Lors d’une visite à l’exposition d’art contemporain africain « Africa Remix », j’ai été frappé par la ressemblance entre certaines œuvres exposées et le travail des artistes ruraux qui fait l’objet de mes recherches. Bricolage, recyclage des déchets de la civilité occidentale, performance, mélanges de genres et de matériaux : les mêmes procédés sont mobilisés, obéissant à la même approche de l’expression artistique, ironique et critique. Les «masques bidons» de l’artiste béninois Romuald Hazoumé parlent la même langue et répondent en partie aux mêmes interrogations que certaines des masques Makonde réputés traditionnels qui sont produits pour un public rural.
Cette ressemblance apparente sera prise comme point de départ pour mener une interrogation sur le statut de l’ironie et du recyclage dans les arts performatifs « traditionnels ». Autrefois source d’inspiration pour les artistes contemporains européens, ces arts participent-ils de la contemporanéité au même titre que les arts produits au centre du marché de l’art? Dans quelle contemporanéité vivent ces artistes travaillant « aux périphéries des périphéries » (c’est-à-dire dans des zones rurales des pays périphériques). Est-ce bien « de l’art » qu’ils font?
Pour mener à bien cette analyse, on mobilisera différents outils d’analyse, notamment la théorie des systèmes mondiaux, les études subalternes (subaltern studies), et les réflexions bachtiniennes sur l’ironie et la culture populaire.
Stéphanie Michaud
Doctorante en anthropologie psychanalytique et psychopathologie, UFR de sciences humaines cliniques, Paris VII, Denis Diderot, sous la direction de Michel Boccara (CR CNRS)
Arts plastiques kurdes et images symptômes de Diyarbakýr à Paris
Les créations artistiques des Kurdes de Turquie, à partir des observations menées au centre culturel mésopotamien d’Istanbul, ne relèvent pas des mêmes objectifs, ni des mêmes conditions de production que celles des artistes kurdes, exilés en France. Bien que ceux-ci partagent généralement une histoire commune, imprégnée de crises politiques similaires dans un temps donné et que tous furent tentés par le militantisme comme forme de revendication et d’appartenance à un groupe. Certains envisageront l’art comme création, comme mouvement, technique et esthétique, d’autres, en feront un instrument au service d’une cause (politique, sociale, personnelle). Nos observations portent donc sur les effets de deux types de migrations : interne et externe, de l’Est de la Turquie, région rurale, aux métropoles de l’Ouest du pays ; puis, de la Turquie vers l’Europe et plus particulièrement, sur la ville de Paris. Comment passe-t-on de l’art comme patrimoine culturel et sauvegarde d’une identité kurde, à l’art instrumentalisé, sorte de marchandise, d’objet de subsistance ? Ces interrogations sont valables aussi bien en Turquie qu’en France et ne se posent pas en termes de pur et d’impur ou d’authenticité. Nous nous situons dans un système transnational qui a pour intérêt de dévoiler des relations multipartites entre acteurs sociaux. Sans négliger le fait que toutes les sociétés s’individualisent, nous devons repenser la création non plus seulement du point de vue collectif mais aussi, bien évidemment, au niveau individuel. Phénomène étudié selon ses modalités cliniques, les oeuvres proposées par l’artiste découlent subséquemment de la nécessité de témoigner, de dire et d’un besoin de faire, de défaire, de refaire dans un but « réparateur » (fabrique de sens).
Sophie Moiroux
Doctorante au Laboratoire d’Anthropologie Sociale (EHESS) sous la direction de Carlo Severi
L’objet frontière : considérations sur l’œuvre de Jimmie Durham
Suivant une anthropologie de l’art qui les étudie en tant qu’indexes d’intentionnalités ou personnes, il est intéressant de considérer les objets comme lieux de condensation d’identités. On peut alors les comprendre en tant qu’intersubjectivités réciproquement attribuées dans des contextes, usages et fonctionnements, au sein de réseaux de relations sociales dans lesquelles ils apparaissent comme des moyens de communication, en particulier dans des situations de conflits, où est perceptible la confrontation de différents points de vues.
Dans cette optique, nous considérons l’œuvre de l’artiste d’origine cherokee Jimmie Durham, qui a été également activiste politique. Ces objets d’art contemporain produisent des interactions et inférences, en particulier des jeux de miroir entre le spectateur et l’artiste, l’« Occidental colonisateur » et l’« Indien natif », ainsi qu’une réflexion du point de vue occidental sur celui des indigènes, qui les met en positions de confrontations et déplacements. Cette œuvre peut en effet être perçue comme étant sujette à des déplacements de contextes : dans celui de l’histoire de l’art des Indiens en Amérique – histoire « occidentale » et « indigène », histoire tant de l’« art » que des relations entre agents sociaux complexes, de différentes cultures en conflits ; ainsi que comme objet pour une multiplicité de points de vue accumulés.
La complexité de cette œuvre, condensation de perspectives opposées, permettrait, par le développement d’outils d’approches, de considérer la « frontière » entre le « centre » et la « périphérie », tout en les étudiant l’un et l’autre ainsi que leur confrontation nécessaire.
Moufida Oughabi
Doctorante au Laboratoire Georges Friedman – CNRS, Université Panthéon Sorbonne
L’usage de l’opposition entre le centre et la périphérie parisienne du marché de l’art dans la construction des représentations des artistes peintres professionnels : intérêts et enjeux
Dans le cadre d’une enquête en cours auprès d’artistes peintres professionnels en Ile de France, nous avons cherché à dégager les représentations de ce métier. Par le biais des pages jaunes, nous avons surtout rencontré une population artistique assez homogène : des peintres professionnels implantés en banlieue, entre 50 ans et 60 ans, peu ou pas reconnus sur le marché de l’art national ou international. Les pages jaunes ont eu le mérite de nous faire accéder à des peintres aux périphéries du marché de l’art et qui disparaissent avec d’autres modes de visibilité et de reconnaissance (statistique, maison des artistes, revues, galeries, salons, expositions). Il est alors apparu que bien que rejetant les catégories de reconnaissance du marché de l’art officiel, ces peintres parviennent à exister en tant que tels à côté de la scène artistique parisienne officielle en construisant, en réaménageant et même en réinventant des catégories de reconnaissance qui leur sont propres. Ils développent alors des stratégies pour légitimer leur existence professionnelle tout en ajustant la représentation de leur métier à leur propre réalité dans un discours à la fois révolutionnaire et de justification souvent directement à l’encontre de la scène parisienne et internationale. Il est intéressant de voir que les notions de « centre » (Paris) et de « périphérie » (banlieue) et même leur volontaire opposition se sont révélés ici comme un moyen pour ces peintres peu visibles d’affirmer toute leur valeur artistique injustement méconnue par le « centre » (Paris).
Hamdi Ounaina
Doctorant à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de l’Université de Tunis
La « professionnalisation » des peintres tunisois comme enjeu d’exclusion
En 1934, quarante ans après la tenue de sa première manifestation artistique, la Tunisie voit enfin naître une action collective organisée en matière d’art plastique, elle est baptisée le « groupe des quatre ». Celui-ci se développa pour devenir le groupe des dix et enfin l’« Ecole de Tunis » toujours active de nos jours. Très vite, l’Ecole de Tunis se construit sur un ensemble d’actions tournant autour de la sélection, de la distinction et de l’exclusion, toutes basées sur une « qualité » auto-assignée par ses peintres : le professionnalisme.
En contre-partie et malgré un nombre non négligeable d’organisations de nouveaux venus, diplômés de l’école des Beaux Arts et supposés être plus professionnels que les pères autodidactes, aucune d’entre elles n’a réussi à rivaliser avec l’« Ecole de Tunis ». Nous verrons pourquoi la réussite des membres de l’Ecole de Tunis ne peut être réduite à son unique qualité professionnelle.
Dans cette présentation, je cherche à faire apparaître la manière dont la notion de professionnalisme a été construite par ce groupe. Je montrerai, également, qu’elle était utilisée en tant qu’outil stratégique pour la légitimation du pouvoir de jugement esthétique, ce dernier n’ayant été possible que suite à un ensemble d’actions d’exclusion menées par l’Ecole de Tunis contre les peintres amateurs et les peintres provinciaux.
Christophe Rulhes
Doctorant au Centre d’Anthropologie des Mondes Contemporains, EHESS Toulouse, sous la direction de Jean Pierre Albert
« Nous », la périphérie, « Eux », le centre… et inversement : Pour une approche interactionnelle et située des terrains de l’art.
René Durand, plasticien aveyronnais et occitaniste, se présente comme artiste actif au sein de plusieurs collectifs, organisateur des expositions « Le salon reçoit», chroniqueur, critique, auteur. Lors d’un entretien, il explique les éléments de sa démarche, « au centre de [ses] préoccupations », « au centre de la problématique occitane ». Mais il se présente aussi comme « élément périphérique du monde moderne ». René Durand n’est pas connu des services de la DRAC, n’est pas inscrit à la maison des artistes, et les membres d’un collectif toulousain de jeunes plasticiens fraîchement diplômés du DNSAP le juge « ringard et barré ».
Brice me dit construire ses pièces plastiques en cuivre pour les générations à venir. Il pense incarner le renouveau de l’art contemporain. Diplômé du DNSAP des Beaux-Arts de Limoges, ayant exposé pour le FRAC et lors de diverses manifestations toulousaines et marseillaises, il déclare aussi souffrir d’un manque de reconnaissance. Lui se pense au centre d’une dynamique novatrice et réformatrice, mais « Eux », les institutions, les galeristes, les professionnels, semblent vouloir le confiner aux périphéries des mondes de l’art contemporain.
À partir de plusieurs cas ethnographiques insistant dur des cours d’actions et des mises en tension duales de goûts, de pratiques et d’expériences, nous tenterons de montrer, derrière les échelles de grandeur légitimes et légitimistes de la valeur artistique, le caractère interactionnel et situé des notions de « centre » et de « périphérie ». Nous examinerons les dimensions dynamique et recomposée par les sujets des frontières qui séparent les deux pôles. Lorsque le centre correspond à l’énonciation d’un « Nous » opposé à un « Eux » périphérique et inversement, les grands ordres de nos sociétés différenciées se trouvent remis en question par le sens que leur attribuent les acteurs. Nous pourrons ainsi discuter, toujours à l’appui de données de terrain, des questions de la construction de la valeur et de la légitimité artistique, et envisager une géographie possible de ces centres et périphéries qui s’inscrivent dans des jeux de définitions endogènes et exogènes échappant à toute cartographie trop figée.